Le 1er décembre 2021, le ministre des Services sociaux, Lionel Carmant, a présenté la Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d’autres dispositions législatives (autrement connu comme la Loi 15).
Cette loi a été proposée après avoir reçu les recommandations écrites dans le rapport de la Commission Laurent qui avait comme objectif de conseiller le gouvernement et de lui donner des orientations afin de créer un nouvel encadrement législatif pour la protection des enfants.
Cette Loi était attendue depuis longtemps par beaucoup d’individus impliqués auprès de la Direction de la protection de la jeunesse (DJP) qui a comme mission d'appliquer la Loi sur la protection de la jeunesse.
En effet, les modifications font suite à certains événements tragiques où l’ancienne loi a démontré faire défaut. Néanmoins, qu’est-ce que les modifications impliquent concrètement? Il peut être difficile de bien comprendre l'étendue d’une nouvelle loi.
JuriGo vous explique toutes les conséquences de la nouvelle Loi sur l’autorité parentale!
L’intérêt de l’enfant à l’avant-plan de la nouvelle loi sur l’autorité parentale 2022!
Avant l’adoption de la Loi 15, la Loi sur la protection de la jeunesse stipulait que toutes les décisions prises par la DPJ devaient favoriser le maintien de l’enfant dans son milieu familial actuel. Autrement dit, il fallait le laisser dans la maison où il habitait.
Étant donné que la DPJ devait à tout prix maintenir un enfant dans sa famille biologique, il pouvait arriver qu’une situation de négligence ou de maltraitance ne cause pas le retrait automatique de l’enfant.
L’objectif derrière cette décision était d’offrir aux enfants auprès desquels la DPJ intervient un milieu de vie stable et permanent, même si ce dernier se trouve à l’extérieur du cadre familial.
Dorénavant, dès le préambule de la nouvelle loi, on voit un changement de direction pour les interventions de la DPJ. En effet, l’intérêt de l’enfant sera toujours ce qui devra primer par rapport à n’importe quelle considération, même celle des parents.
Article 1, paragraphe 3 : CONSIDÉRANT que l’enfant est la considération primordiale dans toute décision prise à son sujet; |
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Grâce à cela, le gouvernement a une nouvelle priorité : dès qu’un problème arrive dans la situation de l’enfant, il est nécessaire d’intervenir. Aussi, la situation d’un enfant qui subit de la violence à la maison sera grandement considérée dans la prise de décision et des actions devront immédiatement être prises pour rectifier la situation.
Cela met de côté le principe qui se trouvait dans l’ancienne loi de la primauté parentale lorsque la DPJ, ses employés (intervenants ou travailleurs sociaux) ou un juge devaient prendre une décision par rapport à la situation de l’enfant négligé ou maltraité.
L’un des principaux problèmes que le gouvernement a souhaité régler grâce à cette nouvelle loi est d’éviter la situation fréquente où un enfant doit constamment faire des allers-retours entre sa famille biologique et une autre famille d’accueil.
De ce fait, l’article 6 de la Loi 15 remplace l’article 4 de la Loi sur la protection de la jeunesse en ajoutant les paragraphes suivants :
Article 4 – Toute décision prise en vertu de la présente loi doit viser la continuité des soins ainsi que la stabilité des liens d’un enfant et des conditions de vie appropriées à ses besoins à son âge. En conséquence, le maintien de l’enfant dans son milieu familial doit être privilégié à condition qu’il soit dans l’intérêt de cet enfant . Lorsque le maintien de l’enfant dans son milieu familial n’est pas dans son intérêt, l’enfant doit être confié en priorité à des personnes qui lui sont les plus significatives, notamment les grands-parents et les autres membres de la famille élargie. Lorsqu’il n’est pas dans l’intérêt de l’enfant qu’il soit confié à ces personnes, l’enfant doit alors être confié à un milieu de vie se rapprochant le plus d’un milieu familial. Lorsque le retour de l’enfant dans son milieu familial n’est pas dans son intérêt, la décision doit, de façon permanente, assurer la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge. |
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Ensuite, une autre disposition importante est la possibilité pour chaque enfant qui doit se présenter devant un juge d'avoir accès à un avocat pour l’assister dans les procédures juridiques. Cela assure à ces derniers une juste représentation dans les situations contentieuses.
La Loi 15 améliore les possibilités d’intervention pour la DPJ
La nouvelle loi a aussi comme conséquence d’assouplir les règles de confidentialité qui, anciennement, ralentissait grandement le travail des intervenants. Maintenant, le personnel de la DPJ peut partager les renseignements personnels des enfants avec lesquels la DPJ intervient.
Ce partage est toutefois encadré afin de protéger l’intégrité des enfants qui peuvent être considérés comme des individus vulnérables au sens de la loi. De ce fait, le partage de renseignement est limité aux employés de la DPJ, dont les intervenants et les travailleurs sociaux.
Donc, les multiples intervenants peuvent s’entraider et relayer l’information concernant les enfants. Anciennement, si un nouvel intervenant prenait en charge le dossier d’un enfant, il devait recommencer la prise d'information ce qui pouvait grandement ralentir le processus.
De plus, la nouvelle loi oblige la DPJ à offrir des formations en continu aux intervenants pour que ces derniers soient en mesure de repérer la violence parentale chez les enfants.
Finalement, la DPJ va s’assurer que les jeunes adultes se trouvant en famille d’accueil seront encore mieux outillés à l’approche de la vie adulte. Conséquemment, les jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans seront informés des services gouvernementaux qui lui sont accessibles.
La création du Directeur national de la protection de la jeunesse
En effet, avec l’adoption de la Loi 15 vient la création du poste de Directeur national de la protection de la jeunesse . Ce dernier aura comme mission de déterminer les orientations ainsi que les normes de pratique clinique qui devront être appliquées par les autres directeurs de la protection de la jeunesse.
Aussi, ce dernier devra exercer le contrôle requis par rapport aux interventions en lien avec la protection de la jeunesse. De plus, le Directeur devra soutenir l’action des directeurs de la protection de la jeunesse.
L’ensemble des responsabilités du nouveau Directeur national de la protection de la jeunesse se trouvent aux articles 29 à 30.4 de la Loi 15.
Le saviez-vous? Le Directeur de la protection de la jeunesse a comme mission d’intervenir lorsqu’un enfant est dans une situation dangereuse ou qu’il n’est pas en sécurité. Normalement, le processus habituel commence avec la réception d’un signalement au DPJ d'information de la situation à risque. Ensuite, le Directeur va décider si l’intervention de la DPJ est nécessaire. Dans le cas où il accepte d’intervenir, il va pouvoir proposer des mesures d’intervention, notamment proposer une entente à la famille de l’enfant ou demander directement au tribunal d’ordonner la mise en place de mesures pour protéger l’enfant. |
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Ensuite, la Loi 15 donne au Directeur le pouvoir de faire des enquêtes, exiger des correctifs par un autre directeur dans un délai raisonnable, voire confier les responsabilités de l’un de ses directeurs à un pair.
Les autochtones, grands oubliés de la loi 15?
Pour une grande majorité de la Loi 15, les partis d’opposition ont applaudi l’initiative du gouvernement dans l’adoption de ces modifications. Toutefois, une critique demeure : les considérations autochtones n’ont pas été prises en compte. Donc, qu’en est-il de la situation des enfants autochtones dans la nouvelle loi?
Dans le préambule de la Loi 15, il est mis de l’avant de nouvelles dispositions qui ont comme objectif de tenir compte des facteurs historiques et socioculturels des peuples autochtones lors des interventions de la DPJ. D’autres facteurs sont aussi à considérer en vertu de l’article 131.4, notamment :
- La culture de leur communauté (langue, coutume, tradition et spiritualité),
- Les liens de l’enfant avec sa famille élargie, et
- L’accès à l’enfant au territoire environnant et aux lieux fréquentés par la communauté,
- Les traumatismes des peuples autochtones dans l’histoire et leurs conditions socioéconomiques.
Dorénavant, les décisions prises en vertu de cette loi doivent prioriser la continuité culturelle des enfants. En effet, il sera désormais possible, dans certains cas, de former un conseil de famille en conformité avec les pratiques autochtones.
En effet, selon l’article 131.9 de la Loi 15, lorsqu’un enfant est âgé de 14 ans et plus, le conseil de famille peut être formé en vertu des coutumes et de la pratique autochtone.
D’autres considérations particulières aux peuples autochtones sont inscrites dans la Loi 15. Cependant, il reste qu’ils n’ont pas reçu leur principale revendication qui est une autonomie en ce qui a trait à la gestion des enfants au sein de leur communauté.
Nouvelle loi sur l’autorité parentale – un pas dans la bonne direction!
Même s’il existe certaines critiques par rapport à quelques domaines en lien avec l’autorité parentale, il est unanime que cette loi est un pas dans la bonne direction. Désormais, les enfants qui se retrouvent dans une situation nécessitant l’intervention de la DPJ, cette dernière sera plus à même d’assister l’enfant.
Diverses législations donnent une protection accrue à l’enfant en raison de sa vulnérabilité. Il est important d’assurer leur développement dans une ambiance paisible et sécuritaire. L’une des missions de la DPJ est d’assurer cela.
En effet, l’intérêt supérieur de l’enfant était déjà pris en considération dans divers domaines du droit, notamment dans le cas d’un divorce. Il est donc logique que cette vision s'étende au concept de l’autorité parentale dans le cas des situations de maltraitance et de négligence.
La loi est adoptée et donc, la prochaine étape est d’assurer son application par les autorités compétentes, dont le Directeur de la protection de la jeunesse.
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