Au Québec, le mois de juin 2023 a marqué une étape significative dans l'histoire des couples en quête de procréation assistée. Une victoire majeure a été remportée avec l’adoption du projet de loi n° 12, l'introduction de réformes substantielles concernant la pratique des mères porteuses dans la province.
Ces changements législatifs touchent directement les droits et les responsabilités des parties impliquées dans les contrats de gestation pour autrui.
Dans cet article, JuriGo vous explique le droit entourant les contrats de mère porteuse au Québec, mettant en lumière les modifications apportées récemment et celles à venir.
Qu’est-ce qu’un contrat de mère porteuse?
Un contrat de mère porteuse, également appelé contrat de gestation pour autrui, est un accord légal entre les parents d'intention, ceux qui souhaitent avoir un enfant, et une femme désignée comme mère porteuse. La mère porteuse portera le futur enfant des parents d’intention.
Ce contrat établit les conditions et les droits des parties impliquées dans le processus de gestation. L'objectif principal est de définir les responsabilités, les attentes et les droits légaux de chacun.
Quel est le droit entourant les contrats de mère porteuse?
Comme mentionné plus haut, les règles entourant les contrats de mères porteuses au Québec ont récemment changé. En effet, le 6 juin dernier, le gouvernement québécois a approuvé et adopté le projet de loi n° 12, aussi appelé:
Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d’une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d’un projet de grossesse pour autrui.
Cette loi a pour objectif de protéger:
- Les enfants nés d'agression sexuelle
- Les droits des mères porteuses et des enfants issus de projets de grossesse pour autrui.
La Loi n° 12 a aussi pour but de mettre en place un processus clair, prévisible et sécuritaire, tout en équilibrant la protection des intérêts des enfants, des parents d’intentions et des mères porteuses impliquées. |
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Auparavant, les contrats de mère porteuse n'avaient aucune validité légale et étaient considérés comme contraires à l'ordre public, rendant ainsi nul de nullité absolue tout effort d'obtenir l’exécution forcée par un tribunal. Alors, la mère porteuse avait le droit de garder l’enfant ou de décider d’avorter, indépendamment de la présence ou de l'absence d'un contrat.
La mise en œuvre de cette loi se fait progressivement, la plupart des mesures étant actives depuis le 6 juin 2023, tandis que d'autres seront en vigueur en mars 2024.
Les grossesses ayant débuté avant le 6 juin 2023:
Comme évoqué précédemment, avant l'instauration de la Loi n° 12 le 6 juin 2023, les contrats de mères porteuses au Québec étaient tout simplement illégaux. Par conséquent, la loi prévoit que la procédure judiciaire restera inchangée pour les grossesses commencées avant le 6 juin 2023, nécessitant le recours à l'adoption .
Recours à l'adoption:
Avant le 6 juin 2023, la seule voie légale pour devenir parent avec le soutien d'une mère porteuse était l'adoption. Pour ce faire, une fois que la filiation était établie avec la mère porteuse, celle-ci devait donner son consentement spécial à l'adoption après la naissance de l'enfant.
- Consentement de la mère porteuse:
En vertu de l’article 555 du Code civil du Québec, le consentement spécial permettait à la mère porteuse de donner son accord pour être remplacée par le conjoint du parent non déclaré sur l'acte de naissance ou de choisir de ne pas figurer dans cet acte. En d'autres termes, la mère porteuse acceptait de céder sa place au parent d'intention non mentionné sur l'acte de naissance.
- Ordonnance de placement:
Après l'obtention du consentement spécial, la démarche suivante impliquait le dépôt d'une requête en ordonnance de placement par le parent non déclaré sur l'acte de naissance devant la Cour du Québec. L'ordonnance de placement était envisageable lorsque le consentement spécial à l’adoption avait été accordé il y a plus de trente jours.
Une fois que le tribunal accordait l'ordonnance de placement, la loi exigeait que l'enfant réside avec les parents pendant au moins six mois à compter de l'ordonnance de placement pour être éligible à l'adoption. Toutefois, une dérogation permettait de réduire ce délai à trois mois en tenant compte de la période pendant laquelle l'enfant avait déjà vécu avec les parents avant l'ordonnance.
- Requête en adoption:
La dernière phase du processus consistait en l'adoption, nécessitant une requête en adoption de l'enfant mineur présentée à la Cour du Québec. Le tribunal prononçait l'adoption, sauf si la preuve démontrait que l'enfant ne s'était pas adapté à sa nouvelle famille, mettant toujours l'intérêt de l'enfant au cœur de l'analyse de la Cour.
Les grossesses ayant débuté après le 6 juin 2023:
Heureusement, depuis le 6 juin 2023, les contrats de mères porteuses sont désormais reconnus comme légaux. D’ailleurs toute requête d'ordonnance de placement pour une adoption sur consentement spécial, dans le cadre d'un projet de grossesse pour autrui, est irrecevable si la grossesse a débuté après le 5 juin 2023.
Demande au tribunal pour établir la filiation:
Pour les grossesses ayant débuté après le 6 juin 2023, les parents d'intention et la mère porteuse doivent présenter une demande au tribunal pour établir la filiation entre l'enfant et les parents d’intentions. Cette demande doit être appuyée par une convention de grossesse pour autrui rédigée avant le début de la grossesse.
Pour que la demande soit approuvée: La mère porteuse doit avoir 21 ans ou plus Les parents d'intention ainsi que la mère porteuse doivent être domiciliés au Québec depuis au moins un an au moment de la conclusion du contrat |
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Consentement et résiliation du contrat:
Malgré la légalisation des contrats de mère porteuse, la Loi n° 12 mentionne que la mère porteuse conserve le droit de résilier unilatéralement le contrat de gestation pour autrui à tout moment avant la naissance. En revanche, les parents d'intention ne peuvent plus se retirer du projet une fois le contrat signé, renforçant ainsi l'engagement envers la gestation pour autrui.
D’ailleurs, la Loi stipule aussi qu’afin d'établir de manière exclusive le lien de filiation avec l'enfant, les parents d'intention ont également la responsabilité d'obtenir, après la naissance, le consentement de la mère porteuse.
- Le consentement doit être donné par acte notarié ou sous seing privé
Pour donner son consentement, la femme ou la personne qui a donné naissance à l’enfant doit consentir expressément à ce que son lien de filiation à l’égard de l’enfant soit réputé n’avoir jamais existé et à ce qu’un lien de filiation soit établi à l’égard de la personne seule ou des deux conjoints ayant formé le projet parental.
Le consentement doit être donné par acte notarié en minute ou par acte sous seing privé en présence de deux témoins qui n’ont pas d’intérêt au projet de grossesse pour autrui**.** Si le consentement est donné par acte sous seing privé, la mère porteuse et les témoins le signent et y indiquent la date et le lieu où il est donné. D’ailleurs, le consentement peut aussi être donné par une déclaration judiciaire dans le cadre d’une instance ayant trait à la filiation de l’enfant. Le refus de consentir n’est, pour sa part, soumis à aucune forme particulière. |
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Reconnaissance de la filiation dans l'État du domicile de la mère porteuse:
Il est à noter que pour les projets de gestation pour autrui réalisés à l'extérieur du Québec, la filiation sera établie dans l'État du domicile de la mère porteuse. Cependant, pour que cette filiation soit reconnue au Québec, le jugement étranger ou l'acte de naissance étranger doit être reconnu par un tribunal québécois.
Le tribunal du Québec, lors de la validation d'un acte de naissance étranger ou d’un jugement établissant la filiation, vérifie la conformité aux règles du projet, tant en vertu de la loi québécoise que de celle de l'État d'origine. Le tribunal s’assure, notamment que:
- La femme ou la personne qui a donné naissance à l’enfant a donné son consentement, après la naissance de l’enfant
- La filiation de celui-ci soit établie exclusivement à l’égard de la personne seule ou des deux conjoints ayant formé le projet parental.
Les changements à venir à partir du 6 mars 2024
À compter du 6 mars 2024, il n'est plus nécessaire de recourir à une procédure judiciaire pour établir la filiation d'un enfant issu d'un projet de gestation pour autrui. Cette évolution majeure facilitera le processus pour les mères porteuses et les parents d'intention, éliminant la contrainte d'une démarche judiciaire souvent longue et complexe.
Séance d'information obligatoirepour la mère porteuse et les parents d’intentions!
À compter du 6 mars 2024, l'établissement légal de la filiation intègre dorénavant une étape obligatoire, à savoir une séance d'information destinée à la mère porteuse et aux parents d'intention!
En effet, avant d'entamer sa grossesse, la future mère porteuse doit rencontrer un professionnel qualifié, en l'absence des parents d'intention, pour discuter des implications psychosociales et des questions éthiques liées au projet de grossesse pour autrui. De leur côté, les parents d'intention devront également participer à une séance d'information.
À la clôture de ces rencontres, le professionnel délivre aux participants une attestation d'assistance dûment signée, attestant de leur présence à ladite séance. D’ailleurs, il est impératif que le professionnel choisi pour cette tâche soit un membre d'un ordre professionnel spécifiquement désigné par le ministère de la Justice.
Convention par acte notarié est obligatoire !
À compter de mars 2024, une convention par acte notarié est obligatoire pour officialiser les accords entre les parties dans un projet de gestation pour autrui. En effet, après la séance d'information, les parties doivent, par acte notarié. Le notaire doit avoir obtenu de chacune des parties l’attestation reçue lors de la rencontre d’information et il en fait mention dans la convention.
La convention de grossesse pour autrui établit la nature des frais qui peuvent être payés ou remboursés à la femme ou à la personne qui a accepté de donner naissance à l’enfant et prévoit si elle a droit à une indemnisation pour la perte de revenus de travail.
Lorsque la convention de grossesse est notariée, après la naissance, sauf en cas d'opposition de la mère porteuse, l'enfant sera remis aux parents ayant conçu le projet parental. Il est important de noter que confier l’enfant aux parents entraînera automatiquement la délégation de l'exercice de l'autorité parentale et de la tutelle à ces derniers. |
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Option judiciaire sera maintenue !
Bien que la nouvelle approche privilégie la séance d'information et une convention de grossesse par acte notarié, l'option judiciaire demeure disponible pour établir la filiation de l’enfant. Les parties conservent ainsi la possibilité de recourir aux tribunaux en cas de besoin ou de préférence.
Il est interdit de rémunérer les mères porteuses !
Malgré les changements récents, un principe fondamental demeure inchangé : la rémunération des mères porteuses est toujours interdite!
Ainsi, quiconque offre une rémunération à une mère porteuse ou à un intermédiaire commet une infraction criminelle. Cependant, la loi cherche à protéger la mère porteuse elle-même, exemptant cette dernière de sanctions liées à une compensation pour porter un enfant pour autrui.
Il est essentiel de se rappeler que, bien que la rémunération soit exclue, les contrats de mères porteuses peuvent inclure le remboursement de certaines dépenses autorisées, telles que les frais médicaux, de déplacement et liés au bien-être de la mère porteuse.
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Si vous avez des interrogations sur les changements relatifs aux contrats de mère porteuse ou si vous avez des questions d'ordre légal concernant la procréation assistée, il est vivement recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit des personnes.
Les questions entourant les contrats de gestation pour autrui peuvent être complexes, impliquant des enjeux juridiques, éthiques et familiaux significatifs. Un avocat spécialisé dans ce domaine peut vous apporter un soutien essentiel en vous informant sur les réglementations en vigueur, en veillant à la protection de vos droits, et en vous guidant dans ce domaine juridique particulier!
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