Dans de nombreux établissements publics, l'installation de caméras est devenue monnaie courante, généralement justifiée par des préoccupations sécuritaires.
Cependant, l'utilisation de ces caméras par les employeurs pour surveiller leurs employés soulève des interrogations sur la vie privée et les droits des salariés.
- Est-ce qu’un employeur a le droit de surveiller ses employés par caméra?
- Quels droits les salariés ont-ils en matière de surveillance vidéo par leur employeur ?
JuriGo vous explique!
Est-ce qu’un employeur a le droit de surveiller ses employés par caméra?
Techniquement, un employeur peut surveiller ses employés par caméras, mais cette pratique doit respecter des conditions et des limites bien définies par la loi et la jurisprudence!
La décision Lazzer c. Magasin Baseball Town inc. rendu en 2022 par le Tribunal administratif du travail expose que la vidéosurveillance est légale, mais si elle est constante, elle peut constituer une condition de travail déraisonnable, violant ainsi les droits des salariés!
Le pouvoir de direction permet à l'employeur d’utiliser les caméras de surveillance!
Bien que l'employeur ait le droit d'installer et d'utiliser des caméras de surveillance en vertu de son pouvoir de direction, il est essentiel de le faire de manière raisonnable, évitant tout abus. En effet, l'utilisation régulière des caméras doit être justifiée par des motifs sérieux, et elle ne doit pas constituer une atteinte excessive aux droits des employés.
Rôle des caméras de surveillance
Dans le cadre où les caméras sont souvent utilisées pour gérer les activités, l'employeur a le pouvoir de surveiller le travail des salariés en raison de la relation hiérarchique et de son rôle de gestion. Toutefois, cette surveillance doit être proportionnée!
Conditions d'une surveillance légitime
Comme mentionné plus haut, la surveillance par caméra est admise lorsqu’elle est raisonnable et justifiée, notamment lorsque l'employeur démontre l'existence d'un problème sérieux de sécurité, comme le vol, ou la persistance d'un problème actuel et continu, tel qu'un employé qui ne travaille jamais et est constamment sur son téléphone.
De plus, l’employeur doit établir un lien direct entre le problème à résoudre et l'utilisation des caméras de surveillance, tout en minimisant au maximum les intrusions dans les droits des employés. En conséquence, il est illégal pour un employeur de maintenir une surveillance constante du travail de ses employés sans justification sérieuse.
Quels droits les salariés possèdent-ils en matière de surveillance vidéo par leur employeur?
Lorsqu’un employeur utilise les caméras de surveillances, il doit respecter les droits des salariés:
Le droit d’être protégé contre le harcèlement psychologique
La loi prévoit que tout salarié a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique . Il est de l’obligation de l’employeur de prendre tous les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, il doit prendre tous les moyens raisonnables pour la faire cesser.
L’article 81.18 de la Loi sur les normes du travail définit comme suit le « harcèlement psychologique » :
81.18. On entend par « harcèlement psychologique » une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés , qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste. Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié. |
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Alors, quand les caméras sont principalement utilisées pour critiquer ou surveiller le travail des employés, instaurant un sentiment permanent d'observation, cela peut évoluer vers une forme de harcèlement psychologique. Les employés, qui se sentent constamment observés, subissent un niveau de stress significatif, impactant leur bien-être au sein de leur environnement de travail.
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En effet, cette situation crée un cercle vicieux où la surveillance régulière, initialement un moyen de gestion, devient également une source de harcèlement psychologique, détériorant le climat au travail.
Le droit à des conditions de travail justes et raisonnables
La Charte des droits et libertés de la personne garantit également la protection de la santé des salariés dans le cadre de leur travail. Effectivement, en vertu de l’article 46 de la Charte:
« Toute personne qui travaille a droit, conformément à la loi, à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique. » |
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Il est important de mentionner que les tribunaux québécois ont reconnu à plusieurs reprises qu’une vidéosurveillance constante et assidue du salarié dans l’exécution de son travail peut constituer une condition de travail déraisonnable portant atteinte à l’article 46 de la Charte.
Le droit contre le congédiement déguisé
Au Québec, il a été établi par les tribunaux que lorsque quelqu'un se voit contraint de quitter son emploi en raison du harcèlement psychologique qu'il subit, cela est considéré comme un congédiement déguisé .
En d'autres termes, même si la personne décide de démissionner de manière officielle, elle est en réalité poussée à le faire en raison du harcèlement psychologique au travail, qui découle de l'utilisation déraisonnable des caméras par son employeur.
En cas d'utilisation déraisonnable des caméras par l'employeur, quels sont les recours disponibles?
En cas d'utilisation abusive ou déraisonnable des caméras de surveillance par l'employeur, les employés disposent de plusieurs recours, entre autres :
Recours pour harcèlement psychologique:
La personne salariée qui croit avoir été victime de harcèlement psychologique en raison de l'utilisation abusive des caméras de surveillance peut adresser en vertu de l’article 123.6 de la LNT, par écrit, une plainte à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. La Commission mènera une enquête suite à la réception de la plainte.
Si aucun accord n'est conclu entre l'employeur et le salarié à la fin de l'enquête, et si la Commission décide de donner suite à la plainte, elle la transmet immédiatement au Tribunal administratif du travail .
Condition:
Lorsqu'un salarié subit du harcèlement psychologique, il doit déposer une plainte dans les deux ans suivant la dernière manifestation de ce comportement. Autrement dit, il dispose de deux ans pour porter plainte à la Commission après la dernière occurrence de harcèlement psychologique causé par l'utilisation déraisonnable des caméras par son employeur.
Réparation:
Si le Tribunal administratif du Travail juge que la personne salariée a été victime de harcèlement psychologique, il peut rendre toute décision qui lui paraît juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, incluant le caractère discriminatoire de la conduite, notamment:
- Ordonner à l’employeur de réintégrer la personne salariée
- Ordonner à l’employeur de payer à la personne salariée une indemnité jusqu’à un maximum équivalant au salaire perdu
- Ordonner à l’employeur de prendre les moyens raisonnables pour faire cesser le harcèlement
- Ordonner à l’employeur de verser à la personne salariée des dommages et intérêts punitifs et moraux
- Ordonner à l’employeur de verser à la personne salariée une indemnité pour perte d’emploi
- Ordonner à l’employeur de financer le soutien psychologique requis par la personne salariée, pour une période raisonnable qu’il détermine
- Ordonner la modification du dossier disciplinaire de la personne salariée victime de harcèlement psychologique.
Recours pour congédiement injustifié
Quand un salarié non syndiqué choisit de démissionner en raison du harcèlement psychologique au travail provoqué par l'utilisation déraisonnable des caméras par son employeur, il peut envisager un recours pour congédiement injustifié (congédiement déguisé) en vertu de l’article 124 de la LNT.
Le salarié doit soumettre une plainte par écrit à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail ou au Tribunal administratif du travail.
Conditions:
Contrairement au harcèlement psychologique, le dépôt d'une plainte pour congédiement déguisé implique le respect de plusieurs critères par le salarié:
Conditions | Explications |
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Être un salarié en vertu de la LNT | La Loi sur les normes du travail caractérise un salarié comme étant une personne exerçant une activité professionnelle pour le compte d'un employeur et recevant une rémunération en contrepartie de son travail. Le salarié s'oblige à accomplir une tâche spécifique conformément aux directives, aux méthodes et aux moyens déterminés par l'employeur. |
Le salarié a deux ans de service continu | Le salarié doit avoir travaillé pour l'employeur pendant au moins deux ans. |
Le salarié doit avoir déposé sa plainte dans les 45 jours | Le salarié dispose d'une période de 45 jours après son congédiement injustifié pour déposer sa plainte. |
Salarié syndiqué:
Lorsqu'un salarié est syndiqué, il a accès à une procédure d'arbitrage des griefs en cas de congédiement injustifié. Par conséquent, les employés couverts par une convention collective ne peuvent pas recourir à l'article 124 de la LNT. Dans ce cas, le salarié doit déposer un grief dans un délai spécifié par la convention collective.
La plupart des conventions établissent un délai pour le dépôt du grief en cas de litige entre l'employeur et le salarié. Cependant, en l'absence de délai précis dans la convention collective, le salarié doit soumettre son grief dans les 15 jours suivant le congédiement injustifié.
Réparation:
Si le Tribunal administratif du Travail ou l’arbitre de grief juge que la personne salariée a été congédiée sans cause juste et suffisante, il peut:
- Ordonner à l’employeur de réintégrer la personne salariée.
- Ordonner à l’employeur de payer à la personne salariée une indemnité jusqu’à un maximum équivalant au salaire qu’elle aurait normalement gagné si elle n’avait pas été congédiée.
- Rendre toute autre décision qui lui paraît juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire.
JuriGo vous aide à trouver un avocat spécialisé en droit du travail!
La surveillance des employés par caméra doit respecter des conditions strictes pour préserver l'équilibre entre les droits des travailleurs et les besoins légitimes des employeurs en matière de gestion et de sécurité. Alors, si vous pensez que votre employeur abuse de la surveillance par caméra, il fortement recommande de consulter un avocat spécialisé en droit du travail.
En engageant un avocat spécialisé dans le domaine, vous bénéficierez de son expertise pour évaluer votre situation, déterminer toute violation de vos droits et, le cas échéant, prendre des mesures légales appropriées. Un avocat vous accompagnera tout au long du processus juridique, négociera avec l'employeur et, si nécessaire, vous représentera devant les tribunaux !
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